Nous avons publié il y a quelques semaines la première partie des « mythes de la fertilité et de la reproduction assistée » : ces affirmations et croyances auxquels nous faisons tous face à un moment ou à un autre, et qui font surgir des doutes ou des peurs à chaque étape de ce long processus… Ces croyances sont, dans beaucoup de cas, totalement infondées, ou du moins non vérifiés. Dans le post d’aujourd’hui, le Dr Dosouto nous aide à démonter quelques uns des autres grands mythes :
J’ai une douleur de règles, ça n’a pas marché…
Les grossesses post FIV sont des grossesses à risque…
Ne stresses pas: détends-toi et ça va marcher…
Carlos Dosouto Capel est gynécologue, spécialisé en reproduction assistée à l’institut Dexeus Mujer à Barcelone. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous aide à faire le tri dans ces croyances, à rétablir la vérité et pour qu’il nous donne quelques conseils pratiques dictés par son expérience et son expertise.
CROYANCE : LA STIMULATION DONNE PEU D’OVULES, CELA NE VA PAS FONCTIONNER.
OUI, et NON – Le nombre d’ovules ne définit pas la qualité future des embryons et il y a de nombreux autres facteurs qui entrent en ligne de compte.
“Au début du traitement, le seul critère pour savoir si les choses se déroulent bien ou pas est le nombre d’ovocytes. Mais ne vous raccrochez pas à cette seule information car vous risquez de vous rendre folle. Il y a d’autres facteurs déterminants tout d’abord pour la fécondation puis pour l’implantation.
A âge et situation égale, statistiquement il est vrai que plus il y a d’ovules, mieux c’est : mathématiquement il vaut mieux avoir 15 ovules que 4, parce que cela offre plus de possibilités.
Cependant, indépendamment du nombre d’ovules, le facteur le plus important est l’âge de la patiente : il est préférable c’avoir 4 ovules d’une femme de 30 ans que 10 ovules d’une femme de 45 ans.
Ensuite, intervient aussi la qualité : il y a des patientes avec beaucoup d’ovocytes, mais qui donnent des embryons de “mauvaise qualité” – c’est à dire des embryons qui sont fécondés mais qui se développent mal. Or i y a beaucoup plus de chances d’aboutir à une grossesse avec un seul embryon de bonne qualité, qu’avec 2 embryons de mauvaise qualité.
CROYANCE : J’AI DES PERTES DE SANG, CELA N’A PAS MARCHE – OU AU CONTRAIRE : J’AI LA POITRINE TENDUE, JE SUIS ENCEINTE ?
MYTHE – Pendant l’attente des résultats, les symptômes ne veulent rien dire, ni dans un sens ni dans l’autre.
“Jusqu’à la prise de sang, n’essayez pas d’interpréter le fait d’avoir ou non des douleurs de règle, les seins gonflés ou douloureux, des pertes de sang, des nausées, sommeil, etc. Tous ces symptômes (positifs ou négatifs) peuvent être liés à une grossesse, comme à la progestérone et au processus même de FIV ou d’insémination. Pendant ces premières semaines il est peu probable que vous puissiez noter des symptômes de grossesse : ne vous fiez donc pas à ces signaux, ni dans un sens ni dans l’autre.
Par exemple : il est courant d’avoir des pertes de sang 1 ou 2 jours avant la date de la prise de sang. Mais à moins que cela ressemble à des règles franches et abondantes, n’essayez pas de l’interpréter. Il peut y avoir des pertes d’implantation ; il est même possible d’avoir de légères pertes tout au long d’une grossesse normale. »
CROYANCE : LES GROSSESSE PAR REPRODUCTION ASSISTÉE SONT DES GROSSESSES A RISQUE.
VRAI – mais pour des raisons statistiques, pas à cause du processus en soi de reproduction assistée.
“En général, les grossesses par reproduction assistée sont un peu plus risquées.
Si l’on compare un groupe de patientes enceintes par FIV à un groupe de patientes enceintes “naturellement”, il y a effectivement plus de grossesses à risque dans le groupe FIV. Non pas à cause des traitements en soi, mais parce qu’il s’agit d’un groupe statistiquement plus âgé, ou avec des problèmes divers et variés les empêchant de tomber enceintes naturellement (problèmes hormonaux, etc.). Il y a donc plus de risques de prématurité, d’hypertension pendant la grossesse, de diabète, etc.
Attention ! Cela ne signifie pas que le risque soit élevé, mais simplement qu’il est légèrement plus élevé que lors de grossesses naturelles, à cause du profil de ces patientes. Mais dans le cas d’un couple jeune, avec par exemple un problème de fertilité d’origine masculine que l’on réussit à régler grâce à une FIV, nous considérerons la grossesse comment totalement normale.”
CROYANCE : LE FACTEUR PSYCHOLOGIQUE EST DÉTERMINANT : « NE STRESSE PAS, DÉTENDS-TOI ET ÇA MARCHERA. »
OUI et NON – Ce n’est pas prouvé, et ce n’est en tout cas pas le facteur le plus déterminant, mais un stress trop élevé peut effectivement avoir un impact sur les fonctions reproductives.
» Il n’existe pas d’étude qui le démontre, et si une patiente doit tomber enceinte elle finira par y arriver, qu’elle soit stressée et nerveuse ou pas. De même, si une patiente ou un couple souffre d’un problème physiologique concret ayant pour conséquence l’infertilité, le fait d’être stressée ou au contraire détendue ne sera pas décisif. Autrement dit, il ne sert à rien de dire : « Détends-toi et tu y arriveras ».
Cependant, il est vrai que le stress et la fertilité ne sont pas bons amis : en cas de stress extrême, le niveau de cortisol est plus élevé et il peut y avoir des altérations hormonales (altération du cycle mensuel menstruel, problèmes d’ovulation, etc.) Dans ces cas-là, l’acupuncture par exemple peut être très utile pour diminuer le niveau de stress.
Dans le cadre de la reproduction assistée en particulier, il n’est pas non plus démontré que le stress agisse de manière négative sur le résultat d’un cycle, même si cela peut paraître plausible : lors d’une FIV, par exemple, si la femme est trop stressée le jour du transfert, cela peut provoquer des contractions utérines. Nous donnons d’ailleurs un tranquillisant avant le transfert aux femmes qui sont très nerveuses. «
CROYANCE : SI JE MÈNE UNE VIE SAINE PENDANT LE TRAITEMENT, CELA AIDERA A CE QUE LE RÉSULTAT SOIT POSITIF.
Mythe : il faut changer vos habitudes au minimum deux ou trois mois avant de commencer le processus.
“ Ce n’est pas parce que vous mangerez bio pendant le cycle que cela va fonctionner, et inversement ! Je vois beaucoup de patientes qui culpabilisent et se mettent une pression énorme pendant les dernières semaines du cycle pour améliorer leur forme physique, arrêter de fumer, perdre du poids, etc.
Mais il doit s’agir d’une démarche à beaucoup plus long terme. La qualité du sperme, par exemple, dépend de ce que l’homme aura fait pendant les 3 derniers mois – pas seulement pendant ces dernières semaines.
Cependant, même si les effets physiques ne sont immédiats, il y a beaucoup de choses que vous pouvez faire pour mieux vivre le cycle de reproduction, ou pour être plus tranquille : bien dormir, apprendre à vous détendre, être bien entourée, prendre soin de vous, etc. Il n’y aura peut-être pas de grande différence sur le résultat final, mais le processus sera plus supportable et facile à vivre.
CROYANCE : IL VAUT MIEUX TRANSFÉRER PLUSIEURS EMBRYONS (FIV).
MYTHE – Aujourd’hui les médecins transfèrent de moins en moins d’embryons. C’est la qualité de l’embryon transféré qui prévaut, pas la quantité. Par ailleurs, transférer plusieurs embryons peut générer des grossesses multiples, plus risquées.
» À la Dexeus, cela fait 3 ou 4 ans que nous ne transférons plus 3 embryons – à moins que les patients en fassent la demande explicite et insistent beaucoup (la loi autorise en effet à transférer jusqu’à trois embryons). Nous recommandons presque toujours de transférer un seul embryon, surtout en cas de don d’ovocyte : le taux de grossesse multiple en cas d’ovodonation est élevé, et sur une patiente de 45 ans 46 ans en surpoids, par exemple, les risques ne sont pas négligeables.
Par ailleurs, nous disposons de techniques de plus en plus pointues pour sélectionner l’embryon qui a le plus de chances d’aboutir à une grossesse. Nous sommes donc aujourd’hui beaucoup plus confiants en ne transférant qu’un seul embryon, car nous avons la capacité de savoir celui qui a le plus de probabilités de succès. «
COMMENT SÉLECTIONNE-T-ON LES EMBRYONS ?
» Nous sommes aujourd’hui capables de cultiver les embryons pendant plus longtemps, ce qui nous permet d’attendre que ceux-ci arrivent au stade de blastocyte (5e jour de vie). Nous augmentons ainsi les probabilités de grossesse par transfert, car les embryons transférés ont plus de chance de succès (s’ils sont arrivés à cette phase en laboratoire, cela signifie qu’ils sont plus résistants). Nous avons à terme moins d’embryons, mais ceux que nous avons ont plus de chances d’aboutir effectivement à une grossesse.
Il y a aussi ce que nous appelons la “cinétique embryonnaire” : avec l’embryoscopie, et les caméras dont nous disposons maintenant, Nous pouvons non seulement voir le nombre de cellules qu’a un embryon (ce qui détermine sa « note », ou qualité), mais également la vitesse et le « patron » selon laquelle se fait la division cellulaire. Nous obtenons ainsi des formules mathématiques qui nous indiquent, en fonction de la manière dont se fait la division cellulaire, si tel ou tel embryon a plus de chances de mener à une grossesse.
En résumé, nous avons aujourd’hui plus d’informations qu’avant, plus d’outils pour sélectionner les embryons. Nous faisons de moins de moins de transferts, mais nous évitons ainsi les transferts « frustrants » et les fausses illusions.”
Dr Dosouto, pour terminer, quels conseils donneriez-vous à tous ceux qui sont en processus de reproduction assistée?
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